En 1938, la SRR avait déjà fêté le 70e anniversaire de sa fondation (le 2 septembre 1867), avec un banquet et une matinée dansante à Rennes en Loire-Atlantique (44) (cf. Ouest-Eclair du 14 mars 1938).
Pour le Centenaire, c’est une régate internationale qui fut organisée, le 11 mai 1969, avec la participation du TV Lodni Sponty de Brno et du Saint-Lukes College d’Exeter, toutes deux ville jumelées avec Rennes, et celle de 14 autres clubs ( l’Aviron Sport Cholet, la Société Nautique de Tours, le Club Nautique de Laval, Angers Nautique, le Cercle de l’Aviron de Tours, le Cercle Nautique de Dinan, les Cercle de l’Aviron de Nantes, la Société Nautique de Saumur, le CN Château-Gontier, Saint-Nazaire Omni-Sports, la Société Nautique Orléans Olivet, la Société des Régates Rennaises et deux clubs parisiens : le Cercle Nautique de France Universitaire et l’Association Sportive de la Préfecture de Police). Elle se tint sur 1 200m, sur le « nouveau bassin de la Plaine de Baud », tout récemment creusé, avec sa légère courbe, le départ étant donné au pont de Strasbourg et l’arrivée jugée au niveau de la future base nautique (le bassin rectiligne vers Cesson ne sera creusé qu’en 1984). Au total, 20 courses furent disputées. Un programme édité pour l’occasion en donne le détail et Ouest-France se fit l’écho par avance de cette belle manifestation, le 7 mai, avec une page entière intitulée « 100 ans de jeunesse », puis le 12 mai, en pages locales et en pages sportives. Une manifestation, complétée par un vin d’honneur à la mairie au cours de laquelle « MM. Brand adjoint et Guillet, président, rappelèrent ce que la ville et la SRR « se devaient mutuellement ».
Il semble bien, en effet, que la célébration du Centenaire, avec deux ans de retard, soit due à la volonté de la Municipalité d’alors, rappelée par M. Cognet dans ses déclarations pour le mensuel L’Aviron de juin 1969, d’inaugurer de façon solennelle le bassin de la Plaine de Baud qui se substituait au cours sinueux de la Vilaine dans la perspective, entre autres, de l’aménagement d’un Parc d’expositions et de la protection contre les crues. Or les travaux ne purent être à peu près achevés que début 1969. La SRR ne faisait ainsi qu’anticiper les usages qui devinrent effectifs en 1977, avec son installation dans « l’abri à bateaux » (terme alors utilisé pour désigner le Centre d’entraînement actuel) à la Plaine de Baud.
Deux médailles commémoratives gravées au revers rappellent cet événement et le Livre d’Or de la SRR garde, avec les signatures de leurs dirigeants et rameurs, la mémoire des clubs présents. L’un des signataires écrivit pour l’occasion : « Le rameur à l’aviron va toujours à reculons ; que cela n’empêche pas la Centenaire de l’aviron d’aller de l’avant » : un souhait réalisé presque cinquante ans plus tard. JFB.
Attribué pour la première fois le 22 novembre 1959 à l’équipage finaliste des Championnats de France à Mâcon (coupe Glandaz) composé de Raymond Pinot, Paul Henry, Yves Aubry, et Louis Piquet (barreur : Gérard Aubry), ce challenge récompense chaque année « l’équipage ou le sociétaire s’étant le mieux comporté au cours de la saison sportive écoulée », qu’il s’agisse de résultats sportifs ou de contributions remarquables à la vie de la Société. C’est le Comité de Direction de la SRR qui fait la proposition.
Le trophée qui lui est associé fut à l’origine (selon ce que dit la tradition) un trophée gagné dans une course de patins à roulettes par la mère du président de la SRR à cette époque (Marcel Guillet) qui en a fait don à la SRR.
Intitulé « Le triomphe », il est la reproduction en régule d’une sculpture d’Auguste Moreau (1834-1917) représentant un jeune éphèbe en mouvement qui, de sa main droite, brandit une palme, symbole de la victoire et de la vie.
Depuis 1959, il a été attribué à 21 reprises (la dernière fois en 2012), la clause initiale d’un challenge annuel étant tombée en désuétude après 1977.
Lors de la remise solennelle du Challenge, une plaque gravée est remise au(x) bénéficiaire(s), le trophée restant la propriété de la Société.
Sur le Livre d’Or de la SRR est inscrit le nom de tous ceux et celles à qui le Challenge des Anciens Rameurs a été attribué.
« La Cigogne », un canoë français construit il y a plus d’un siècle à Livourne par Scotto & S, et acheté d’occasion en 1923 par René Patay (1898-1995), est venue se poser à l’atelier de la SRR pour panser ses blessures et se refaire une beauté avec l’aide de Louis Bourdais, Jean-Francois Botrel et Max Patay et les conseils de Roland Nugue.
C’est qu’elle en a vécu des événements depuis son achat par Le Héron sur une petite annonce publiée par la Società Canottieri Esperia de Turin, fondée en 1880, soit 13 ans après la SRR !
Le Héron était le nom de rameur pris par René Patay à l’issue de la guerre de 14-18 car, grand et mince, il s’appuyait sur une seule jambe, la gauche étant paralysée du fait d’une blessure de guerre en combat aérien face à un As de la chasse allemande (cf. http://www.regatesrennaises.fr/2014/08/la-societe-des-regates-rennaises-dans-la-guerre.html).
Le nom de Cigogne donnée à son canoë rappelait que l’insigne de son escadrille SPA 26 (pour Spad, l’avion biplan de Guynemer) était une cigogne aux ailes allongées.
A une époque où la voiture n’était pas encore un moyen de transport répandu, c’est par le train que les bateaux voyageaient, aussi bien pour de longues distances, que pour aller à des régates, à Angers ou Nantes par exemple. Epoque bénie où le chemin de fer savait s’adapter à tout objet et à toute destination.
C’est ainsi que « La Cigogne », après avoir traversé les Alpes pour arriver à Rennes sur son bassin d’élection (La Seiche et la Vilaine), rejoindra Nogent sur Marne et l’ENCOU (Société pour l’Encouragement du Sport Nautique fondée en 1879) où Le Héron s’est inscrit, car il a rejoint l’Institut Pasteur.
C’est à Paris, entre des entraînements sur la Marne, que germe l’idée chez René Patay qui avait déjà, en août 1924, fait l’aller retour Rennes-Dinard (et même Saint-Briac) par le canal d’Ille et Rance, d’un retour sur Rennes par voie d’eau avec un co-équipier (n’ayant jamais fait d’aviron!) collègue de l’Institut Pasteur…et futur Prix Nobel de Médecine en 1966.
Et c’est une équipée de 728 km que Le Héron (grand blessé de guerre!) et André Lwoff (1902-1994), se relayant à l’aviron et à la barre, vont accomplir, en juin 1925, sur la Cigogne, en 14 jours, partant de l’île aux Loups sur la Marne, remontant la Seine jusqu’au-dessus de Melun pour rejoindre le Loing, son canal parallèle, le canal d’Orléans (en abandonnant le canal de Briare qui les aurait mené trop en amont, à Gien), jusqu’à la Loire un peu en amont d’Orléans. C’est ensuite la descente acrobatique de la Loire, entre bancs de sables et courants, jusqu’à Nantes, l’Erdre, le canal de Nantes à Brest jusqu’à Redon, puis remontée de la Vilaine.
Tout ceci avec un minimum de bagages, un petit chariot pour les nombreux portages car à l’époque les éclusiers donnent la priorité aux péniches, avec des escales déjeuner et du soir à la fortune du pot mais toujours sympathiques : tables et chambres d’hôte avant l’heure !
A cette époque, les éclusiers de l’époque n’avaient pas l’habitude de faire passer d’aussi petites embarcations, même munies du précieux sésame (l’autorisation signée de l’ingénieur chargé des voies d’eaux). A titre d’exemple un éclusier du canal de Nantes à Brest sorti de sa maisonnette au son de corne (de chasse!)… y retourne ne voyant rien…il fallut trois appels successifs…pour qu’il se décide à se pencher…pour apercevoir enfin le minuscule canoë. Une peu plus tard à Messac, l’éclusier ne peut s’empêcher de poser la question « Mais d’où est-ce que vous venez comme celà » et à la réponse « de Paris »…après une intense réflexion… »Ben dites donc…vous avez dû partir tôt ce matin ! ».
De retour à Rennes, La Cigogne est basée à la SRR car le Héron en est devenu l’entraîneur, puis vice-Président, jusqu’à une crue mémorable de la Vilaine qui l’oblige à faire des efforts intenses pour récupérer le ponton partir à la dérive…ce qui réactive sa blessure de guerre avec septicémie (avant la pénicilline).
Pour la Cigogne les années qui suivent sont faites d’une navigation paisible à partir du manoir familial sur la Seiche (déjà bien encombrée par les arbres tombés, d’où la nécessité de la pagaie double dans les passages difficiles) pour rejoindre le bief Le Boël-Pont Réan, où elle croise de nombreuses péniches et…plus étonnant… les baleinières grises du Centre de Formation Maritime replié à La Massaye après la guerre (1944-1959, jusqu’à la création du CFM Hourtin: les anciens se souviennent avec émotion des « Pompons rouges » qui envahissaient la ville de Rennes lors des permissions de fin de semaine…et lors des défilés du 11 novembre et du 14 juillet.
C’était aussi, grâce au développement de la voiture, des mises sur le toit, pour des mises à l’eau dans des portions plus lointaines de la Vilaine, de la Rance, de l’Erdre. Et cela ne posait aucun problème de poser un canoë de presque 7m, pesant à peine 50 kg. sur la galerie en mettant simplement un chiffon rouge sur la pointe arrière … qui dépassait 1 à 2 mètres l’arrière de la voiture : Citroën B12, Panhard « Panoramique », Citroën 11, DS 19, CX…
La réalisation du barrage d’Arzal (1970) et le magnifique plan d’eau qui en résulte, de La Roche Bernard jusqu’à Corbinière en passant par Le Foleux et Redon, offrit alors de belles occasions de sortie de plusieurs jours.
Mais le summum furent les navigations en mer, la longue carène dont l’étroitesse était compensée par le avirons, le plat bord assez haut avec des hiloires efficaces, faisaient de la Cigogne un bateau marin. C’est ainsi qu’elle a pu naviguer le long la côte nord de la Bretagne et passer des étés entiers à Noirmoutier. Le seul risque était, lorsqu’elle était retournée sur le sable de la plage des Dames, que des touristes du dimanche ne s’assoient dessus …
Et, bien sûr, il y eu tout ces retours à la SRR !
Les plus mémorables sont ces expériences réalisées, dans la suite du Pr Lefeuvre sur le coup d’aviron (cf. http://www.regatesrennaises.fr/2014/11/les-regates-rennaises-la-technique-de-l-aviron-et-la-construction-nautique.html), avec des études de la respiration et de l’électrocardiogramme dans le sport de l’aviron… Les rameurs les plus anciens des Régates se souviennent encore avoir vu le Docteur Patay au Pont Saint-Cyr se défaire de son pilon et embarquer sur « La Cigogne » équipée d’un enregistreur et d’avirons avec des capsules de Marey, pour, un masque respiratoire sur le visage, mesurer les effets du coup d’aviron sur son organisme.
La retraite de La Cigogne a sonné en 1986 du fait de l’âge du Héron (88 ans) et du transfert des intérêts nautiques de sa descendance sur la voile.
Mais ce n’est qu’une pause dans la longue carrière de « La Cigogne » : une fois réparées ses plaies et avec un vernis tout neuf, 2017, année du 150e anniversaire des Régates Rennaises, devrait voir une nouvelle envolée de « La Cigogne » qu’on pourra admirer à l’occasion de l’exposition sur l’histoire de la SRR au Carré Lulli de l’Opéra et du défilé historique dans la Traversée de Rennes.
Le 29 septembre 1867, quelques jours seulement après sa création officielle, le 2 septembre, la Société des Régates Rennaises organise, avec la musique des Sapeurs Pompiers, une Grande fête au profit de l’Union Musicale d’Ille-et-Vilaine, sa première régate.
Le lieu choisi est le canal d’Ille et Rance (de 15 m de large, ce qui permet aux spectateurs d’être très proches des compétiteurs), entre le Bourg-l’Evêque et le pont Saint-Martin. Cette portion du canal qui est bordée de deux allées ombragées tracées sur les levées, se trouve alors en pleine campagne (cf. le plan joint). Les entrées payantes qui peuvent être achetées chez le concierge de la Mairie (50 centimes rive Est pour les premières, et 25 centimes rive Ouest pour les secondes, à une époque où le kilo de pain de 1ère qualité est vendu 30 centimes) se font aux quatre extrémités des allées où des bureaux ont été installés.
Au programme (reproduit par Louis Abraham dans la plaquette consacrée, en 1992, à 125 années des Régates Rennaises), à partir de 2 heures de l’après-midi, des courses de périssoires, une course à l’aviron et une autre à la godille, avec virement de bouée, et l’interprétation de huit morceaux de musique par les Sapeurs Pompiers.
On compte dix périssoires engagées (Brise-tout, Calchas, Chubi, Général Boum, Gipsy, Godino, Grande Duchesse, Hirondelle, Mazagran, Montama, Trompette), et cinq embarcations à la rame ou à la godille (Faridondaine, Guichenas, Robiquette, Zou-Zou et Flying-Cloud). Chacun des canotiers porte, comme dans les courses de chevaux, une casaque (rouge et noir, rouge, rouge écharpe blanche, écossais, jaune et rouge, blanc et vert, jaune, blanc et noir, violet et blanc, etc.) et l’embarcation « montée » porte un guidon (soit un petit pavillon triangulaire) aux mêmes couleurs.
Les récompenses aux vainqueurs sont des « objets d’art », sans autre précision.
Quant au programme musical il se compose de huit morceaux de Sohier, Verdi, Schaller, Strauss, Picard, Gurtner et Mévius, des fantaisies, marches, polkas, valses, scottishs et l’ouverture de La médaille d’or de 1850 de Jean Gurnter. Pendant les courses, des amateurs font entendre des fanfares de chasse.
Voici en quels termes, le Journal d’Ille et Vilaine du 4 octobre 1867, sous la plume d’un « Amateur », rend compte de cette fête:
« Il faut toujours au public du nouveau, n’en fût-il plus au monde. Aussi ceux qui s’ingénient à lui procurer un plaisir neuf sont-ils assurés de le voir mordre avec empressement à cet appât. Ainsi en a-t-il été dimanche. On donnait une fête d’un genre tout particulier, et la foule est accourue. Ajoutons qu’elle a été satisfaite et que l’Association musicale d’Ille et Vilaine, au profit de laquelle cette fête était donnée, a dû encaisser une excellente recette.
Un des éléments de ce succès réside dans la division des places en deux catégories. Un prix d’entrée inférieur à celui qui avait été primitivement fixé a permis à un plus grand nombre de jouir du spectacle. Le public des secondes a même été véritablement gâté, car il y avait un plus épais ombrage, une perspective plus facile et plus étendue, et il pouvait admirer le gracieux coup d’œil qu’offrait la rive opposée garnie d’un triple rang de charmantes curieuses aux toilettes plus élégantes les unes que les autres.
Le soleil, par ce commencement d’automne, avait voulu se mettre de la fête, et chacun rendait hommage à sa présence.
C’est avec le concours de la Société des Régates Rennaises que la musique municipale des sapeurs-pompiers avait organisé son programme. Cette association, dont l’éclosion date tout au plus du lendemain du 15 août, est aujourd’hui fondée. Ses statuts ont été approuvés par un arrêté de M. le Préfet, en date du 2 septembre dernier. Point n’est besoin de faire l’éloge de cette création ; souhaitons-lui la bienvenue et la prospérité pour le plus grand plaisir des bons habitants de Rennes.
Dans la circonstance, nos jeunes amateurs du sport nautique se sont particulièrement distingués. Ils étaient nombreux, costumés avec tout le chic de véritables canotiers parisiens, et ont fait preuve, tour à tour, de force, d’adresse et d’une connaissance approfondie de leur métier fantaisiste. Le programme a été parfaitement rempli ; chacune des courses a été intéressante, et plusieurs fois les applaudissements du public ont accueilli l’arrivée des vainqueurs qui se sont vaillamment disputé les prix, consistant en des objets d’art.
Voici le résultat :
1er départ —1er Général Boum, bleu, écharpe rouge 2e départ, 1er, Gipsy, violet rouge ; 3e départ, 1er le Chubi, blanc et rouge.
2e course à la rame.—La Robiquette et le Faridondaine sont arrivées ensemble, mais un mètre avant la bouée, la Robiquette qui venait de prendre l’avance, ayant coupé devant sa concurrente, la course a du être recommencée entre elles. Zouzou était distancé et Guichenas avait déclaré forfait.
3e course. —La belle des périssoires entre les trois premiers vainqueurs a été gagnée par le Chubi. Un des concurrents voulant virer trop court est tombé à l’eau. Mais il a immédiatement regagné le bord à la nage, est remonté dans sa périssoire et est arrivé bon troisième, malgré l’accident.
4e course, à la godille —1er Zou-Zou, violet et orange ; 2e Guichenas, guidon jaune, casaque noire et blanche ; 3e Flying-Cloud, rouge.
5e course. —La belle entre la Robiquette et la Faridondaine a été gagnée d’une longueur par la Robiquette.
6e course, entre toutes les périssoires. —1er le Chubi, blanc et rouge ; 2e l’Hirondelle, bleu et blanc ; 3e Calchas, bleu et rouge.
La victoire du Chubi a été très acclamée.
Après les courses, tous les concurrents se sont rendus prendre leur rang près la bouée du virage et sont partis deux à deux dans un ordre parfait. Un détail qu’il est bon de signaler et qui augmente le mérite des vainqueurs, c’est qu’un grand nombre des périssoires a été construit par ceux qui les montaient. Il en est de même de la Robiquette et du Guichenas, qui est arrivé 2e à la godille. Disons toutefois, qu’aux yeux des connaisseurs, ce genre de constructions navales est encore susceptible d’améliorations.
La Société des Régates Rennaises a brillamment manifesté son existence. Elle est fondée désormais, et chaque année elle donnera deux fêtes à la population rennaise.
Il est si rare d’entendre aujourd’hui de bonne musique, depuis le départ des deux excellentes musiques d’artillerie, que c’est toujours une bonne fortune que d’assister à un concert instrumental populaire. La musique municipale, sur laquelle s’est portée toute la sympathie du public, est assurée de faire le plus grand plaisir en recherchant ses applaudissements.
Dimanche dernier, bien que réduite par l’absence d’une quinzaine de ses membres, la musique municipale a, dans l’exécution des divers morceaux du programme, obtenu un succès complet. Elle s’est surpassée par la manière pleine de charme et le sentiment des nuances avec lesquels elle a rendu l’ouverture de Médaille d’Or. Il est impossible de mieux interpréter ce morceau gracieux. Deux compositions d’auteurs auxquels, en qualité de compatriotes, on porte un intérêt tout particulier, le Télégraphe de M. Mévius, et la Mayennaise, polka mazurque (sic), de M. Picard, ont été écoutées avec une vive satisfaction. La Mayennaise, fruit nouveau pour nous, est une production qui se distingue de ses semblables par la fraîcheur et le sentiment du style. Elle sera un des meilleurs morceaux du répertoire de la musique municipale […]».
De ce témoignage, on retiendra, s’agissant de la Société des Régates Rennaises, que les « jeunes amateurs du sport nautique » qui l’ont fondée, comme Frédéric Sacher, futur président, qui a alors 25 ans (cf. son portrait), savent combiner force et adresse, sont connaisseurs, pour certains, d’Offenbach (La belle Hèlène (Calchas) mais aussi La grande Duchesse de Girolstein (Général Boum, Grande Duchesse), un opéra-bouffe qui venait d’être créé à Paris, le 12 avril 1867) ou du record du Flying-Cloud en 1854, mais peuvent être aussi ancrés dans la culture locale (La Robiquette, Guichenas). Ils ont une manifeste aptitude à transgresser par leur pratique (qui comporte le risque de tomber à l’eau par plaisir!), par leurs costumes bariolés et, sans doute par leur façon d’être —leur « métier fantaisiste », comme l’écrit le journaliste—, le rapport conventionnel et professionnel à l’eau. Dans leurs représentations, le modèle est manifestement celui du canotier parisien, même si la construction de leurs embarcations reste encore très artisanale et perfectible : il s’agit de frêles périssoires, du genre de celles représentées par Gustave Caillebotte dans les années 1870 (cf. « Périssoires sur l’Yerres ») ou de celle récemment restaurée par la SRR (cf. http://www.regatesrennaises.fr/2015/06/la-perissoire-srr.html) ou de bateaux plus stables —des canots sans doute — dont on sait seulement qu’ils avancent à la rame et, pour certains, à la godille.
Quant à la fête donnée, elle semble avoir attiré beaucoup de monde, de toutes conditions, et elle est perçue comme une nouveauté (l’Amateur parle de « plaisir neuf » ), même si des joutes nautiques animées par des militaires du 10e d’artillerie et du 3e de ligne avaient déjà eu lieu, sur ce même canal, le 5 août 1853 et qu’à l’occasion de la Fête de l’Empereur, le 14 août 1867, pour la première fois à Rennes, semble-t-il, des courses nautiques avaient été organisées entre l’écluse du Mail et la cale du Pré-Botté (à l’emplacement de l’actuelle place de la République). On remarquera que c’est au lexique des courses de chevaux (casaque, montée par, distancé, déclarer forfait, etc.) qu’on a recours pour rendre compte de ces premières courses nautiques à Rennes. On observera aussi l’importance de la partie musicale de la fête qui sera pendant longtemps un élément indispensable aux Régates qui sont, ici, totalement payantes, les bénéfices étant versés à un tiers (l’Union musicale d’Ille et Vilaine) . Les autorités et les commerçants de Rennes se sont, sans doute, associés à l’événement, avec le don d’objets d’art.
C’est, dans une ville qui à la fin du Second Empire, commençait à s’engager dans la voie de la modernité, « la première manifestation d’une volonté novatrice dans tout un secteur de la population jeune, ouverte aux influences extérieures », comme l’écrivait Henri Fréville à l’occasion du 100e anniversaire de la SRR, et le début d’une longue série de fêtes nautiques, de jour et de nuit, ou de régates, organisées par la Société des Régates Rennaises jusqu’à aujourd’hui —148 ans après—, avec la Régate de Rentrée de Rennes.
Dans trois articles publiés dans Ouest-Eclair le 24 avril et les 1er et 4 mai 1934, intégralement reproduits ci-dessous, on trouve exposé l’essentiel sur le matériel employé pour le sport de l’aviron et sa manipulation mais aussi sur le coup d’aviron et le « style » tels qu’ils étaient alors enseignés à la S. R. R. , notamment par le Directeur d’entraînement Nagel.
A analyser et à comparer avec le matériel et le discours sur l’aviron à la SRR, aujourd’hui. JFB
Quelques notes sur le sport de l’aviron.
« Dans quelques jours, la saison d’aviron va battre son plein. Elle débutera pour la région Loire et Ouest par les régates de Rennes qui auront lieu le jeudi 10 mai à 14 heures quai de la Prévalaye. Dans l’avant-programme actuellement soumis à la Fédération, figurent la traversée de Rennes, le challenge Tréluyer, la coupe des écoles de l’Université de Rennes qui se courent en yoles de mer à quatre rameurs, que nous fourniront les engagements des sociétés étrangères à notre ville, nous le saurons dans peu de temps. En tous cas les spectateurs pourront assister à une douzaine d’épreuves en skiffs, yoles et outriggers à 2 et 4 rameurs.
Le public qui voit passer sur la Vilaine les rameurs et rameuses à l’entraînement, admire ce qu’il appelle généralement des « périssoires », ignorant quelles sont les embarcations habituellement employées en course. Expliquons-le en quelques lignes.
Ne disons que quelques mots des bateaux de promenade et de tourisme. Depuis quelques saisons la vogue est au canoë canadien qui se manœuvre à la pagaie simple ou double. S’il est parfait pour les rivières sinueuses, étroites et difficiles où nous l’avons employé souvent, il est un peu lent pour les voyages sur des cours d’eaux importants. Le canoë français manœuvré avec une paire d’avirons, quoi qu’en dise Monsieur le Délégué du Kayak Club de France dans la propagande entreprise par lui, dans ces colonnes, pour le canadien, n’est pas devenu un véritable fossile. S’il est assez rare à Rennes, il en existe de grandes quantités dans la région parisienne. C’est un instrument qui se prête à diverses combinaisons (un rameur seul, un rameur avec barreur, ou deux rameurs sans barreur) et permet de faire sans fatigue une randonnée de plus de 80 kilomètres dans la journée. Mais n’entreprenons pas ici une controverse sur ces deux genres de bateaux absolument différents comme construction et comme usage.
Nous parlons de l’aviron de course : voyons donc quel est le matériel employé.
L’aviron se pratique en couple ou en pointe. Dans la couple, chaque rameur manie deux avirons ; en pointe, il n’en a qu’un seul. Les bateaux de couple les plus employés, en dehors du canoë, sont le skiff (un rameur) et le double scull (deux rameurs), le quatre et le huit de couple, mais seul le skiff figure assez souvent dans les épreuves en France.
Les embarcations de pointe comprennent : 1° Les yoles de mer à deux, à quatre et à huit rameurs. Ce sont des bateaux pontés ou non, à clins et à plats bords continus sur lesquels prennent directement appui les avirons au moyen de dames ou systèmes. Avec pontage, elles peuvent tenir la mer, servant pour toutes les épreuves en mer, de bateaux-écoles pour les débutants en rivière et même pour les régates de débutants en raison de la difficulté de former de bonnes équipes d’outriggers.
2° Les outriggers à 2, à 4 et à 8 rameurs. L’outtriger (sic) ainsi nommé ,des mots anglais « out » (en dehors) et « rigger » (grée), est construit à francs-bords et muni de portants métalliques à l’extrémité desquels sont fixés les systèmes sur lesquels s’appuient les avirons.
Un outrigger à 4 rameurs mesure 12 à 13 mètres de long, sur 0m. 50 de large et pèse de 40 à 50 kilos. Un outrigger à 8 mesure de 17 à 19 mètres et pèse environ 80 kilos.
Les avirons sont creux et composés de deux parties évidées intérieurement et collées dans le sens de la longueur ; ils sont ainsi très résistants et cependant légers.
Tous ces bateaux sont munis de bancs à coulisses. Le rameur en se redressant et en revenant sur l’avant, fléchit les jambes, entraîne sous lui le siège mobile. Il fait ainsi plus d’avant avec ses mains : son aviron va prendre l’eau beaucoup plus loin en arrière et le coup est beaucoup plus long.
Il faut au rameur pour effectuer ce mouvement, un point d’appui. Aussi ses pieds sont-ils fixés par des courroies sur une barre de pieds munies de talonnettes de métal : le tout est réglable suivant la taille de chaque rameur.
Voici quelques notions nécessaires à ceux qui ignorent tout du sport de l’aviron pour leur permettre de suivre avec plus d’intérêt les efforts des rameurs à l‘entraînement ou en régates » (Ouest-Eclair, 21 avril 1934).
« En vue des régates prochaines, nous avons expliqué dans une précédente note parue dans notre numéro du 21 avril, quel était le matériel employé pour le sport de l’aviron, ce qu’étaient nage en couple et en pointe, yoles de mer et outriggers, leur légèreté de construction, leur complexité avec leurs bancs à coulisse, leurs barres de pieds réglables, leurs coupures en trois parties pour le transport par voie ferrée.
Aussi ces embarcations ont-elles un triple inconvénient :
1° Leur prix exagéré. Chacune coûte plusieurs mille francs car elles nécessitent l’emploi de bois coûteux, un outillage et des ouvriers tout à fait spécialisés. Seules 3 ou 4 maisons en France construisent convenablement ces bateaux de course.
2° Leur fragilité. Le moindre choc contre une épave, une maladresse lors de la mise à l’eau ou d’un accostage, cause inévitablement une fente dans le bordé.
3° Leur encombrement. Un outrigger à 8 rameurs de 19 mètres de long n’est pas facile à loger et le problème du transport pour les régates à l’extérieur n’est pas simple à résoudre. Le transport du matériel par chemin de fer est devenu presque impossible en t-raison des tarifs prohibitifs actuels. Certaines sociétés plus fortunées que la S. R. R. ont acheté des cars automobiles pour les rameurs avec remorques pour les embarcations. Notre Société vient de faire construire une remorque qui servira dès la saison prochaine pour les déplacements à Dinan, Laval ou Nantes. Elle devra avoir recours pour le remorquage au dévouement de son vice-président M. Perret.
Le rowing nécessite donc un garage et un matériel coûteux : or, les sociétés nautiques en général et la S.R.R. en particulier, ne sont pas riches. Elles ne touchent pas de subvention, ou celles-ci sont dérisoires. Elles n’ont pas la possibilité de faire des recettes lors de leurs manifestations sportives. Elles ne vivent que des cotisations des membres actifs et des membres honoraires. Or les membres actifs de la S. R. R. sont pour la plupart des étudiants qui n’ont pas toujours leur escarcelle bien garnie. L’on ne peut donc songer à augmenter des cotisations qui doivent rester modestes. Quant aux membres honoraires, ils se font rares para ce temps de crise.
Avis donc au mécène inconnu —nous n’osons employer le pluriel— qui se sentirait disposé à soulager son portefeuille de quelques billets en faveur du meilleur et du plus sain des sports !
Mais ne faisons pas de rêves; voyons la situation telle qu’elle est et tâchons de nous tirer d’affaire avec les éléments dont nous disposons. La S. R. R. possède dans son garage de Saint-Cyr 3 yoles de mer à 4 rameurs, 1 yole à 2 rameurs, 2 outriggers à 4 rameurs, 1 double-scull. Mais une partie de ce matériel déjà important, est ancienne. Chaque sortie, et il y en a de nombreuses puisque la Société entraîne en ce moment 12 équipes à 4 rameurs, occasionne des avaries aux bateaux.
L’on ne peut songer ni à acheter du matériel neuf, ni à avoir un gardien capable d’entretenir et de réparer les embarcations. Aussi constamment une partie de celles-ci est-elle indisponible. Si nous ne pouvons trouver parmi les rameurs ceux susceptibles de nous aider à faire les réparations nécessaires, nous nous adressons à tous pour leur demander de prendre un peu plus de précautions lorsqu’ils sortent ou rentrent les embarcations ou lorsqu’ils rament. Car tout ce mal provient d’un manque de soins et d’une mauvaise utilisation du matériel.
Voici à ce sujet quelques conseils qui s’adressent aussi bien aux équipiers actuels de la S. R. R. qu’à ceux qui seraient disposés à en faire partie cette saison…
Au départ les bateaux doivent être mis à l’eau et l’embarquement doit avoir lieu posément, sans cris et sans bousculade. Les cuirs d’aviron doivent être légèrement graissées (sic) à chaque sortie ; les glissières au contraire ne doivent jamais l’être.
Au retour l’accostage doit se faire doucement parallèlement au ponton et non en biais. Le barreur doit veiller à ce que les systèmes ne viennent pas accrocher brutalement celui-ci. Les bateaux doivent être retournés sur les tréteaux et posés à l’endroit des coupures ; ils doivent être lavés et brossés sur la claire-voie avant d’être rentrés.
En cours d’entraînement, les rameurs ne doivent pas changer de place. On ne doit jamais se tenir de bout (sic) même dans une yole de mer. Les équipes ne doivent accoster en cours de route, sauf en cas de nécessité. Il est interdit de sortir du bief et de faire des portages sans autorisation.
Rameurs et barreurs doivent toujours veiller à ne jamais poser leurs pieds sur le bordé : cette maladresse est une des causes les plus fréquentes.
Nous verrons prochainement comment l’on doit ramer. Disons cependant dès aujourd’hui que si les barres de pied sont si souvent arrachées, cela provient de ce que beaucoup de rameurs ne décomposent pas le retour sur la coulisse en retour rapide des bras et retour lent du corps et reviennent d’un seul bloc et en vitesse tirant sur la barre alors que l’effort principal doit se faire en poussant sur celle-ci lors de l’attaque.
« Soyez bons pour les bateaux », tel est le mot d’ordre que devraient respecter nos rameurs rennais » (Ouest-Eclair, 1er mai 1934)
« Dans quelques jours, le 10 mai, les équipes de la S. R. R. se trouveront aux prises avec celles de Dinan, Laval et Nantes. Malgré le mauvais temps persistant, elles poursuivent leur entraînement. L’art de ramer ne s’acquiert pas en quelques séances. Ceux qui passeront premiers la ligne d’arrivée seront toujours ceux qui auront travaillé depuis des mois, même l’hiver, le « style » qui donne le maximum de résultats pour le minimum d’efforts. Un rameur de qualité physique exceptionnelle ne réussira jamais s’il n’a pas de style, s’il a des gestes saccadés et inutiles. Tout le travail du rameur doit être fourni en souplesse et on ne répètera jamais assez aux débutants qu’ils doivent avant tout acquérir cette qualité et ne pas chercher dès leurs premiers essais à tirer avec excès sur le bout de bois.
Disons donc en quelques mots, aussi bien pour le rameur débutant que pour le spectateur qui le suit dans son travail, ce qu’est le coup d’aviron et comment il s’exécute convenablement.
Le coup d’aviron se divise en deux parties bien distinctes. Dans la première, le coup proprement dit, l’aviron est actif, la pelle effectuant son parcours dans l’eau. Dans la deuxième, le retour, l’aviron n’agit plus comme propulseur : la pelle effectue en sens inverse mais dans l’air son parcours, pour revenir dans la position qu’elle avait au premier temps.
Chacune de ses parties se décompose elle-même en plusieurs mouvements.
Le coup proprement dit en comporte trois :
1° L’attaque, qui se produit au moment où la pelle prend un point d’appui sur l’eau ;
2° La passée dans l’eau ;
3° Le dégagé, c’est-à-dire la sortie de la pelle de l’eau lorsqu’elle a fini son action.
Le retour doit se décomposer en deux parties et c’est là la plus grande difficulté pour les néophytes.
1° Le renvoi des mains qui doit être très rapide.
2° Le retour du corps sur la coulisse qui, assez rapide au début, doit être lent vers la fin.
Voyons comment s’opèrent ces 5 mouvements :
L’attaque. Le début doit être droit, légèrement penché en avant, les bras allongés, les épaules en arrière, les genoux écartés. Le rameur jette le buste en arrière très rapidement La détente doit être vive pour saisir aussi brusquement que possible l’eau qui est in point d’appui mobile. La pelle doit être perpendiculaire à l’eau, afin d’éviter l’attaque en sifflet qui provoque des embardées.
Eviter de faire trop d’avant, de rentrer la tête dans les épaules, de plier ou de contracter les poignets, de partir d’abord du banc à coulisse.
La passée dans l’eau. C’est la continuation de l’attaque avec détente des jambes et renversement des épaules en arrière. Après l’attaque, le reste du coup s’exécute sans que le rameur continue à appuyer sur l’aviron qui reste enfoncé dans l’eau de la largeur de sa pelle. La passée doit être aussi brève que possible. Les bras doivent rester tendus, les poignets dans leur prolongement. A mesure que les mains se rapprochent de la poitrine, les poignets se plient à angle droit avec l’avant-bras, obligeant l’aviron à rester perpendiculaire jusqu’à la fin.
Eviter surtout de tirer à la fin du coup, de « souquer », défaut fréquent chez ceux qui ont ramé en mer.
Le dégagé. La passée étant terminée para l’inclinaison du buste en arrière, il suffit de baisser d’un coup rapide et net les poignets pour que l’aviron se dégage presque automatiquement.
Eviter de soulever des paquets d’eau, d’écarter les coudes du corps, de se courber en deux et aussi d’exagérer l’inclinaison en arrière.
Le renvoi des mains. On fait, en renversant à nouveau les poignets à angle droit avec l’avant-bras, revenir à l’horizontale la pelle sortie de l’eau pour qu’elle oppose moins de résistance à l’air. En même temps on renvoie les mains en avant d’un geste brusque comme pour un coup de poing.
Eviter de plumer, c’est-à-dire de frôler l’eau avec le plat de la pelle pendant le retour.
Le retour sur l’avant. Une flexion rapide des jambes en même temps que le renvoi des mains permet le redressement progressif du buste. Il doit s’effectuer assez rapidement au début, puis avec lenteur ; être souple et sans à-coup. S’il est brutal, il arrête le bateau et est funeste aux barres de pied.
En résumé, il faut retenir avant tout que tout le travail est exécuté par les reins, les épaules et les jambes, qu’on ne doit jamais tirer avec les bras ni à la fin du coup ; qu’on doit attaquer des épaules avec force et vitesse ; dégager nettement ; renvoyer les mains en avant avec vivacité et ramener lentement le corps sur l’avant.
Le coup d’aviron semble très compliqué quand on le décompose ainsi pour l’expliquer. Il paraît, au contraire, très simple quand on voit ramer une bonne équipe. Il ne s’acquiert qu’avec de l’aisance et de la persévérance. Souhaitons que les rameurs de la S. R. R. n’oublient pas les conseils de leurs anciens lors des prochaines épreuves » (Ouest-Eclair, 4 mai 1934).
A la Société des Régates Rennaises (SRR), dans la tradition que la culture fluviale partage avec la culture maritime des croisières à Paris, chaque embarcation porte un nom de baptême, ce qui n’est pas une obligation pour les bateaux ne stationnant pas sur l’eau. Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, c’est d’ailleurs d’abord par le nom du bateau que les équipages étaient identifiés à l’occasion des courses (on disait alors du bateau qu’il était « monté » par des rameurs). Aujourd’hui encore, sur les registres de sorties de la SRR, c’est le nom du bateau qui figure, avec, il est vrai, l’adjonction d’un numéro d’ordre et la précision des noms des équipiers.
Tant que la Société s’est contentée d’abriter et d’utiliser des bateaux appartenant à des sociétaires, l’attribution des noms a logiquement été laissée à la discrétion des différents propriétaires: dans les années 1870, par exemple, les barques à fond plat à un ou deux rameurs ou à la godille s’appellent Négresse, L’Iroquois, Brididi (un personnage de vaudeville), Mignon (comme la tragédie lyrique d’Ambroise Thomas), Ballade, Amphitrite, La Pygmée, Le Styx, Vieux Crocodile, Crève-Cœur, Gadzard, Troglodyte, Driguedrogue, Caprice, Minette, Risque-tout, Gondole, Grelot, Cachalot, L’Hydre, Grenouille, Petit Lézard, Vertueuse ) et les périssoires Calchas, Lanterne, Ecrevisse, Jane, La Cloche, Sans profit, Rigoletto (de Verdi, bien sûr), Iris, Badina, Comme tu voudras, Espérance, et, plus tard, en 1888-1890, L’Altérée, Passe-partout, Tant-pis-pour-lui, Attendez-moi-donc, l’Ablette, Tiens-bon; les yoles à 2 ou à 4 s’appellent: Le Boa, Petite-Chance, Bluette, La Floride, Fenella, Mouette, ou Lézard. Des noms qui témoignent de la fantaisie et mais aussi, à l’occasion, de la culture classique et lyrique des sociétaires. En 1883, la première référence à Rennes apparaît avec La Rennaise (un canot de promenade); en 1886, les yoles à 2 ou 4 engagées dans les courses s’appellent Pourquoi pas? (déjà !), Graziella (hommage à Lamartine?), Vas-y, La Comète et Giroflée et appartiennent encore à des particuliers: dans l’inventaire du matériel de la SRR du 23 avril 1883 on trouve deux baquets de lavandière (pour les courses en baquets) mais pas un seul bateau! Ce n’est qu’en 1887, après bien des débats, que la Société fera l’acquisition de son premier bateau qui sera logiquement baptisé: SRR, une yole-gig à 4 qui se mesurera à Giroflée, Petit Duc et Vas-y.
Une étude comparative pourrait sans doute être faite avec d’autres Sociétés d’aviron. Bornons-nous à constater que les dénominations des embarcations utilisées aux Régates Rennaises sont passablement plus sophistiquées et légères que celles des bateaux utilitaires ou de plaisance (souvent désignés comme batelets) stationnés sur la Vilaine à Rennes en 1886-1888: La Créole, Madeleine, Eole, l’Etoile, Le Caprice, Le Jean-Bart, La Bécasse, Philippe, La Barbotière, L’Ami, La petite Gabrielle (une baleinière appartenant à Eugène Jacomety, patissier et membre de la SRR), L’Utile (qui appartient à un mégissier), L’Eclair, Le Verdelet (un bateau destiné “aux besoins du service vicinal”), Le Vengeur, Saint-Cyr. D’ailleurs seuls 16 sur 36 ont un nom déclaré, malgré l’obligation de porter à la poupe “leur dénomination, le nom et domicile du propriétaire, en toutes lettres et en caractères ayant au moins 8 centimètres de hauteur”, selon les instructions de la police de rivière du 7 juin 1858 (AD35 3 S 184).
Après la renaissance de la SRR en 1901, de nouveaux noms de bateaux de promenades ou périssoires vont apparaître comme L’Escapade, Dorade, l’Abeille, Méli-mélo. Les bateaux rennais engagés à l’occasion des régates organisées au Cabinet-Vert qui peuvent aussi appartenir à La Nautique Rennaise (créée en 1907) ou aux Hospitaliers Sauveteurs Bretons s’appellent Sylvette, Lucette et Ponts-et-Chaussées (des canots de promenade), Galvano, 0=0 ,Vas-toujours, Attendez-moi donc (toujours en état, apparemment), Mimi et Tralala qui appartenait au “père Troadec” (des périssoires), Aleth II, Minne et Lily (des yoles de plaisance), Ablette (le canoë francais qui servait au Dr. Lefeuvre pour ses recherches et sera conservé jusque dans les années 1950), Chonchette, Coupe-Vent et plus tard Ski, et, s’agissant des yoles à 4, toujours Girofla et SRR, auxquelles s’ajoutent La Rosière, Cerès, Lakhmé et Epi, acquises auprès des sociétés de Nantes et Le Mans. On voit aussi se confronter les premiers double-sculls Zut et Polo (du nom du chien mascotte de la SRR) et arriver un quatre outrigger: Cyrano qui précède de peu Chantecler dans l’admiration des sociétaires de la SRR pour le théâtre d’Edmond Rostand. Le skiff où s’illustrera le futur champion “Loire et Ouest”, Henri Delalande, a été baptisé Pouff (et non Plouff). Mais Quo Vadis est un bateau de Nantes.
Sur une photo de 1905 où toutes les embarcations de la SRR se trouvent réunies à l’occasion d’une sortie à Cesson, on peut admirer de gauche à droite et de bas en haut: Ablette, une triplette avec le fox Polo, une yole gig à deux (La Rosière?), une yole gig à quatre (Girofla?), un canot à rames (Lily), une yole gig à quatre (Cérès?), le house boat à vapeur de Mr. Abadie, une périssoire (Tralala?), et une barque à fond plat à son mouillage.
Dès avant 1914, deux yoles de mer “légères” se sont vu attribuer des noms “bien bretons”: Armor et Fleur-d’Ajonc (construite d’après les plans du Dr. Lefeuvre). Suivront Breiz (une yole à deux qui sera oubliée à la Confluence lors du déménagement de 1977), Araock (en avant) et Bruyère (un nom d’abord attribué à un quatre outrigger, puis à une yole de mer à 4 de 1940, aujourd’hui conservée au Musée de Bretagne). Et au fil des années sont venus s’ajouter: Ville-d’Is (aujourd’hui objet de décoration dans un restaurant), Brocéliande, Gwennili (hirondelle), Kemener (araignée d’eau), Pao-Bran (bouton d’or; en 1969), Torr-Avel (coupe-vent), Jannick, Annic, Arvor, Gourener (lutteur), Barr-avel (coup de vent)/Barr-Heol (rayon de soleil), Korrigan, Avel-Vor (vent de la mer), Ar Renerez (la directrice), Haute-Bretagne. Mais aussi des personnages de l’histoire de Bretagne (Duchesse Anne, Jacques Cartier, Duguesclin, Surcouf, Nominoë I et II), et d’autres éléments de culture ou géographie bretonne (Hermine, Fée-des-Grèves, Rumengol, Suliac). Par la suite une longue série de héros du cycle arthurien a prolongé la tradition jusqu’à aujourd’hui: Viviane, Merlin I et II, Morgane, Lancelot, Perceval, Mélusine, Gauvain, Utherpandragon, Galahad, Excalibur, Yseult, Yvain.
Juste après la IIe Guerre Mondiale, la pratique consistant à attribuer un nom à un bateau en hommage à quelqu’un ou à sa mémoire sera initiée avec le bateau André Pailheret, en souvenir du jeune rameur résistant mort en déportation en 1944, et par la suite seront ainsi honorés les présidents de la SRR (Président Guillet, Président Cognet, Frédéric Sacher, Les Aubry, en hommage à la grande famille de rameurs et rameuses de la Présidente d’honneur Geneviève Aubry), ainsi que les rameurs et dirigeants (Jacques Perret et Jean Jaffrenou).
En 1946, le François-Charles, un quatre outrigger, portera les noms des deux fils Oberthur, l’entreprise d’imprimerie qui en permit l’acquisition, et, en 1960, la SRR, si redevable envers la Municipalité de Rennes depuis les origines, baptisera sa dernière yole de mer Ville-de-Rennes (avec l’épouse du maire d’alors, Madame Fréville, comme marraine), avant, au début du XXIe siècle, de signifier sa reconnaissance envers le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine et son Plan Nautisme avec le CG 35.
Aux lieux les plus significatifs du cours de la Vilaine (biefs, écluses, moulins, ponts, lieux-dits) dans sa traversée de Rennes mais aussi en amont et en aval correspondent Sévigné, Moulin de Joué, Gué-de-Baud, Chapelle-Boby, Cabinet-Vert, Prévalaye et Le Mail, Saint-Cyr, Moulin-du-Comte, Apigné, Le Boël, et, par référence aux origines gauloises de Rennes, Condate, la confluence. Les affluents du fleuve Gwilen (dont la forme française Vilaine n’a paradoxalement jamais eu l’heur d’être choisie) ne sont pas oubliés: les affluents rennais (Ille, Flume, Blosne), et ceux de l’aval (Seiche, Semnon et bientôt Meu et Don). Non plus que, dans ce club d’aviron de rivière, les îles bretonnes: Glénan, Houat, Hoëdic, Groix, Ouessant, Ile de Sein, Batz, Bréhat, Ouessant, Cézembre, Molène, Belle-Ile et même Chausey. Pour la flottille des douze bateaux d’initiation (des Virus), c’est à des noms d’oiseaux de mer (Cormoran, Macareux, Goëland, Mouette, etc.) ou de rivière (Héron, Foulque, Col-Vert, Aigrette, etc.) qu’on a eu recours.
L’établissement par la ville de Rennes de liens avec Exeter, Erlangen, Rochester, Brno ou Poznan a fait que, à partir de 1995, des bateaux de la Société des Régates Rennaises commencent à porter le nom de ces villes jumelées.
Quant aux noms des bateaux appartenant à la section Citroën, ils renvoient aux lieux d’implantation des usines de production, à Chartres de Bretagne (La Janais, La Calvenais) ou à Rennes (Barre-Thomas).
L’habitude a été prise de donner un caractère plus solennel à l’attribution de noms aux bateaux avec l’organisation de baptêmes officiels pour des bateaux aux noms bien profanes. A l’occasion de cérémonies auxquelles sont conviées les autorités, les parrains et marraines, puis seulement des marraines (ou, à partir de 2013 —par respect pour l’égalité des sexes—, des parrains ou des marraines) tous désignés avec beaucoup de soin par le Comité de Direction de la Société dévoilent le nom du bateau et arrosent celui-ci de champagne ou plutôt (par souci d’économies) de mousseux, les coques étant évidemment trop fragiles pour qu’on y fasse se fracasser une bouteille. Le Livre d’Or de la SRR, ouvert en 1954, garde généralement la trace de ces événements. Le premier baptême officiel connu de la presse eut lieu début avril 1938 et il concerna Araock, le premier skiff appartenant à une rameuse de la SRR, Josée Bizouart, le skiff Zou et le deux outrigger Jannick.
Certains bateaux achetés d’occasion ont pu conserver leur nom d’origine (Gaston Fontaine, Anatole) ou font allusion à leur lieu d’acquisition (Petit B et Grand B pour des skiffs achetés à la Société Nautique de la Baie de Saint-Malo, par exemple).
Les bateaux de sécurité qui au début se sont vu attribuer un nom (Lonk-Avel, par exemple), portent aujourd’hui leur seul numéro d’immatriculation obligatoire.
Quelquefois les noms officiels ont du mal à s’imposer au nom d’usage: c’est le cas du bateau modulable d’initiation CG35 (comme Conseil Général d’Ille et Vilaine) que son volume imposant a fait abusivement et ironiquement surnommer le Charles-de-Gaulle.
Il est des noms qui, malgré la disparition physique de l’embarcation (par vente, don au Musée de Bretagne ou à d’autres sociétés, mise au rebut ou découpage —une pointe de bateau est un cadeau de choix réservé à qui le club souhaite distinguer ) se sont perpétués, avec un numéro d’ordre, comme aujourd’hui Armor III ou Merlin II, mais aussi dans l’oubli de précédents, comme l’actuelle yole à 4 Fleur-d’ajonc qui devrait être Fleur-d’Ajonc II.
Même si, à des fins de gestion du matériel, des numéros d’ordre ont été attribués à chacune des quelque 70 embarcations dont la SRR dispose actuellement, on voit que depuis ses origines, non sans inventivité, la Société des Régates Rennaises a su, à travers les noms de ses bateaux, cultiver la meilleure tradition canotière et nautique, en même temps qu’elle s’inscrivait dans son environnement rennais et fluvial mais aussi breton, en affirmant de la sorte—symboliquement et par avance— sa vocation à devenir un club référence en Bretagne.
J.-F. Botrel
Exposition sur l’histoire du canotage et de l’aviron à Rennes au Carré Lulli de l’Opéra (inauguration le 15 septembre 2017-jusqu’à fin 2017) + Archives à l’écran sur les sports nautiques (octobre 2017 ?) (Archives municipales).
Défilé historique (traversée de Rennes depuis la Confluence jusqu’au delà du Pont Pasteur et retour ; présentation des bateaux à la Confluence ; bal populaire sur le Mail (15 ou 23 septembre 2017)
Régate internationale à l’aviron (avec la participation des clubs des villes jumelées et animation musicale) (21 mai 2017)
Animations :
-au sein du club : dans la cafeteria, panneau consacré au 150e anniversaire et exposition d’objets appartenant au patrimoine historique de la SRR ; visites aux Archives de Rennes (fonds Régates Rennaises) ; régate de yoles de mer patrimoniales (Ville de Rennes et Fleur d’Ajonc) ; découverte de la navigation en périssoire ; participation à la Régate 1900 de Cenon ; visite de Rennes, ville fluviale.
-en direction du grand public :
-Découverte de l’Ille à partir de la Confluence et de l’ancienne Tannerie pour les scolaires (écoles du primaire/collèges) (courant 2016-2017)+ animations Plaine de Baud
-Visites de Rennes ville fluviale (en collaboration avec l’Office du Tourisme/Destination Rennes) et conférences (offre faite aux associations) (courant 2017)
-Présentation de tableaux (Caillebotte, « Les périssoiristes », portrait de Frédéric Sacher (Musée des Beaux-Arts) (date à préciser)
-Concert de musique de plein air du XIXe (Elèves du Conservatoire) (date à préciser)
Réception à la Mairie (date à préciser)
Livre sur l’histoire de la SRR (J.-F. Botrel) (parution au printemps 2017)
Communication
-Affiches
-Fanion souvenir
-Tshirt
-Collaboration d’un étudiant STAPS (Master Management du sport)
En ce début d’année, je ne résiste pas à la tentation de vous faire découvrir ce bateau insolite et superbe construit au 19ème siècle. Avant d’arriver aux formes actuelles, l’aviron s’est un peu cherché !
http://www.histoire-bateaux-aviron.fr/actualites/batactu1.html
Merci au carré des canotiers pour son travail de mémoire.
Sait-on que, depuis sa renaissance en 1901, la Société des Régates Rennaises a été directement ou indirectement liée à des travaux de recherches sur la technique du sport de l’aviron et sur la construction nautique qui ont bénéficié d’une réputation nationale et même internationale ?
Celui qui les initia est le Docteur Charles Joseph Fulgence Lefeuvre (Rennes, 16 mai 1875-Rennes, 27 mars 1965), qui, de 1911 à 1919 au moins, fut vice-président des Régates Rennaises, et qui, dès 1900 participa, sous la direction d’Etienne-Jules Marey (1830-1904), à des études sur le sport nautique (cf. Etudes sur le sport nautique, Travaux de la Commission d’hygiène et de physiologie, section XIII, rapport de M. Marey, 1900, p. 22). En 1904 en collaboration avec le Dr. Paillotte, il publiera une Etude graphique sur le coup d’aviron en « canoë », un travail réalisé au laboratoire du Professeur Marey (la station physiologique du Collège de France), avec comme moyen et lieu d’expérience le canoë français « Ablette », construit en 1896 par Alexandre Lein (toute une référence !) et acheté en 1901 à Albert Cordier, rameur à l’Encou (la Société d’Encouragement du Sport Nautique de Nogent-sur-Marne), pour 200 francs (le salaire horaire moyen d’un manœuvre est alors de 0.30 franc). Roland Nugue a fait une description minutieuse de cette embarcation (cf. SRR-Informations, juin 1983). « Ablette » était équipée d’un appareil explorateur de vitesse du bateau, d’un appareil explorateur des mouvements du banc à coulisse, de systèmes dynamographiques pour les avirons droit et gauche et d’une barre de pieds dynamographique, qui transmettaient leurs indications par capsules manométriques dites de Marey à des styles encrés traçant sur un cylindre placé devant le barreur. Ce sont des rameurs de l’Encou, en particulier son président, Charles Fenwick, et son champion, Albert Cordier, qui servirent de cobayes. L’étude publiée dans le Bulletin de l’Association technique maritime (année 1904, n° 15, 25 p.) et résumée par Albert Glandaz, Président de la Fédération Française des Sociétés d’Aviron (FFSA), dans L’Aviron (1, 8 et 15-IV-1905), sera, encore en 1925, saluée comme la meilleure contribution scientifique à la compréhension du sport de l’aviron par Bourne, ex-secrétaire d’Oxford. Entré à l’Ecole de Médecine de Rennes en 1905 comme chef de travaux pratiques en physiologie (en 1908, Charles Lefeuvre succèdera à son père, le docteur Charles Joseph François Marie Lefeuvre (1839-1929) comme titulaire de la chaire de physiologie) et poursuivra ses recherches sur la physiologie du sport de l’aviron, un sport qu’il pratique à Rennes et à La Courbe : sur la photo (Archives Nugue), on peut le voir sur son canoë « Ablette » équipé de ses appareils et barré par son frère Pierre, archiviste à Rennes, près du Cabinet Vert, entre l’Ecole de Médecine et les Établissements Métraille. En 1910, on le trouve engagé avec Henry Tréluyer dans une course de double-scull aux Régates de Rennes. Entre autres réalisations, celui qui, selon Jos Pennec, était un « professeur né», qui savait illustrer ses cours « d’expériences très personnelles, entièrement montées par lui », mettra au point un chronomètre enregistrant automatiquement le temps mis par un coureur ou un bateau à parcourir une distance déterminée, un appareil expérimenté avec succès dès 1916, au Parc des Sports à Rennes et employé aux Jeux Olympiques de Los Angeles en 1932. De 1931 à 1937 il sera directeur de l’Ecole de médecine et de pharmacie. Mais il dessinera aussi, pour la SRR, les plans de la yole de mer « Fleur d’ajonc », construite entre 1910 et 1913 par l’architecte et constructeur naval rennais Prigent, dont les chantiers étaient installés à la Confluence, près du garage de la SRR, ainsi que du voilier « Bluette » appartenant à un autre vice-président de la SRR, Henri Tréluyer et du canot à moteur « Comète », pour le président Patay.
Deux de ses neveux, également rennais, René Nugue (1897-1979) et Charles Nugue (1900-1986) poursuivront dans cette voie.
Le premier en se lançant, en 1922, sur les bords de la Vilaine, à La Courbe en Bourg-des-Comptes, dans la construction d’embarcations légères de course, sport et plaisance : des canots automobiles légers et des glisseurs hors-bord (comme le « PS » (1923), le « 4m50 » (1925), le « Peugeot » (1926) ou le « Glisseur Hors-Bord OF », vainqueur au Meeting international de la Seine à Paris le 14 juillet 1928 dans la catégorie 350 cm3), puis des canoës pour la pêche, la chasse et le camping, et en développant des recherches sur la “Résistance de l’avancement des petites carènes » sur la base d’expériences de traction de coque effectuées sur la Vilaine à la Courbe d’août 1923 à septembre 1925. En 1923 il figure comme « chef du matériel » dans l’organigramme de la SRR, mais aussi par la suite, comme responsable de l’entraînement et , à l’occasion, chronométreur (à Rennes, les premiers chronométrages effectués à l’occasion de régates remontent à 1887). Aux Régates de Rennes du 9 mai 1929, les « partisans des sports mécaniques » purent « admirer les glisseurs hors-bords que notre concitoyen R. Nugue construit à La Courbe », comme on peut lire dans l’Ouest-Eclair du 8 mai, dont l’hydroglisseur « Citron-pressé », un 500 cm3, appartenant à Camille Tomine, et un 300 m3 appartenant au constructeur, sans doute le Glisseur OF vainqueur à Paris.
En 1972, son fils Roland, membre de la SRR, capitaine d’entraînement entre 1970 et 1974 —une époque féconde en résultats sportifs— puis conservateur du matériel, lui succèdera et fabriquera diverses embarcations (dont des catamarans pour suivre les courses d’aviron et des skiffs) ainsi que des avirons de pointe et de couple, tout en continuant de restaurer de précieux canoës canadiens.
Quant à Charles Nugue, polytechnicien, rameur à l’Encou (puis au Cercle Nautique de France Universitaire) et chef de nage de la grande équipe de Polytechnique (avec elle, il participera aux Régates de Rennes en 1921 et 1923), il mènera de longues recherches sur la physiologie et la technique de l’aviron, résumées dans la conférence qu’il prononça à l’Ecole Nationale Supérieure d’Education Physique (ENSP), publiée en quatre livraisons dans L’Aviron (entre octobre et février 1954) et synthétisées dans la plaquette Ramons ensemble. Principes techniques du coup d’aviron sportif. Directives pour l’éducation des rameurs (FFSA, 1958, 24 pages), où il reprend, p. 21, l’étude de son oncle), puis dans Ramer. Essai d’initiation au sport de l’aviron (FFSA, 1966, 28 pages) dont les archives de la SRR conservent un exemplaire dédicacé par l’auteur « à l’ami Renaud, responsable sportif de ma bonne ville, avec le ferme espoir qu’il y fera bientôt aménager un beau plan d’eau pour les jeunes rameurs, un très vieux rameur ».
Cette approche scientifique de l’aviron sera également poursuivie, à Rennes, avec les recherches sur l’effort sportif par un des fils du docteur Patay, président de la SRR de 1900 à 1935, le docteur René Patay (Rennes, 5 janvier 1898-Rennes, 15 avril 1995), vice Président de la SRR de 1920 à 1928 et animateur-entraîneur particulièrement présent malgré le handicap lié à sa blessure de guerre. Le 15 janvier 1929, il prononcera une conférence sur « Sport et tourisme nautique » (15-I-1929) et est sans doute l’auteur des « Quelques notes (très techniques) sur le sport de l’aviron », parues dans Ouest-Eclair les 21-IV, 1-V et 4-V-1934. En matière de recherches en physiologie sportive, il mettra au point des tests de sélection et d’entraînement des sportifs de haut niveau et des outils de mesure de l’effort physique par télémétrie cardio-respiratoire et dosages sanguins en continu. Certains membres de la SRR, parmi les plus anciens, se souviennent encore avoir vu, vers 1953-1955, le titulaire de la chaire de physiologie de l’Ecole nationale de médecine et de pharmacie de Rennes (1953), puis de la Faculté de Médecine (1956), faire lui-même des expériences sur son canoë français « Cigogne » où il embarquait, après s’être libéré du pilon qui, à la suite de sa blessure, devait supporter le poids de son corps. Et il partait ramer, affublé d’un masque respiratoire, avec des pelles dont les palettes étaient équipées de capsules de Marey, les mesures étant enregistrées sur un cylindre installé à bord.
Son fils Max Patay (né en 1942), soutiendra, en 1968, une thèse intitulée Nouvelle Contribution à l’étude de l’effort physique » Aviron et Tir (Télémétrie, Technicon) qui sera récompensée par le Secrétariat à la Jeunesse et aux Sports. Il s’est promis de faire à nouveau naviguer « Cigogne », pour le 150e anniversaire des Régates Rennaises.
Jean-François Botrel
(Novembre 2014)
NB. Cette rapide étude est fondamentalement redevable des informations si généreusement fournies par Anaïg et Roland Nugue, Max Patay et l’historien des scientifiques rennais, Jos Pennec, dont je salue ici la mémoire.